Et Israël se réveilla avec une "supercoalition"...

Dans un de ces revirements dont la vie politique israélienne a le secret, le parti de centre-droit Kadima a rejoint ce mardi 8 mai - en pleine nuit - la coalition au pouvoir depuis 2009 en Israël. Ce qui a brusquement interrompu le processus qui devait mener à des élections anticipées en septembre prochain. Qui sont les acteurs de cet incroyable psychodrame politique?

Benyamine Netanyahou : "chapeau l'artiste"!

Premier Ministre depuis 2009, le chef du Likoud vient d'ajouter 28 députés à sa coalition, la portant à 94 membres (sur 120 sièges à la Knesset). Ainsi renforcé, il s'ôte une série d'échardes du pied : 1° Il peut s'attaquer au dossier du service militaire des juifs ultra-orthodoxes, sujet de société très sensible en Israël. 2° Il passera sans encombre le cap du budget 2013. 3° S'il décide d'attaquer l'Iran ou - moins probable - de faire des gestes envers les Palestiniens, il disposera d'une assise parlementaire lui permettant de revendiquer un certain consensus national. Ce sont ces mêmes dossiers qui l'avaient décidé à convoquer des élections anticipées. Il n'en a plus besoin.

En ajoutant une aile centriste à sa coalition, Benyamine Netanyahou se protège aussi de la remuante tendance droitière de son propre parti, le Likoud. 24h avant le spectaculaire ralliement de Kadima, le Premier Ministre avait pu sentir le mécontentement des "durs" de son parti s'exprimer lors d'une réunion du Comité central.

Shaul Mofaz : une victoire à la Pyrrhus?

En 2009, le parti Kadima est arrivé en tête des législatives mais n'a pas été en mesure de bâtir une coalition de gouvernement. Tzipi Livni, alors dirigeante du parti, avait ensuite décliné les offres de Benyamine Netanyahou qui lui proposait de se joindre à son équipe. Trois ans plus tard, Tzipi Livni a été battue lors des élections internes à Kadima et c'est Shaul Mofaz qui lui a succédé à la tête de la formation. Problème : les sondages prédisent la même dégringolade au parti (une dizaine de sièges contre 28 actuellement), quel que soit son chef. Avec son entrée-surprise au sein de la coalition,, Shaul Mofaz devient Vice-Premier Ministre. De quoi satisfaire un homme que l'on dit porté par son ambition plus que par ses convictions? Né en Iran, ancien Chef d'Etat-Major, ancien Ministre de la Défense et ancien membre du Likoud Shaul Mofaz est souvent décrit comme un "faucon", ce qui est discutable. Lorsque nous l'avions rencontré début-2011, il détaillait en effet un plan de paix avec les Palestiniens prévoyant l'évacuation de plusieurs dizaines de milliers de colons de Cisjordanie. Idée peu compatible avec la ligne de la coalition actuellement au pouvoir.

Ehud Barak : dix-huit mois de sursis?

En 2009, Ehud Barak avait convaincu le Parti Travailliste de se joindre à la coalition (pourtant très marquée à droite) de Benyamine Netanyahou. Lorsque ses troupes ont constaté que leur présence ne pesait en rien sur la politique du gouvernement et ont menacé de quitter la coalition, Ehud Barak a pris les devants... et il a tout simplement quitté le Parti Travailliste en 2011 pour crée sa propre formation, Hatzmaout ("indépendance," en hébreu). En cas d'élections - anticipées ou non - les sondages prédisent un score très faible au petit parti crée par le Ministre de la Défense. Le scénario des législatives anticipées ayant fini à la corbeille, Ehud Barak reste à son poste, normalement jusqu'à l'automne 2013. D'ici là, sera-t-il l'homme d'une attaque préventive israélienne contre les installations nucléaires de l'Iran?

Avigdor Lieberman : marginalisé?

A la tête de la formation ultranationaliste Israel Beitenou (15 députés), le Ministre des Affaires Etrangères est un partenaire du Likoud (27 députés) au sein de la coalition au pouvoir. Lieberman et son parti défendent une ligne très laïque, et entendent occuper le devant de la scène au moment où Israël se pose une question cruciale : les juifs ultra-orthodoxes doivent ils continuer à bénéficier d'une exemption du service militaire? Avec l'arrivée des centristes dans la coalition, Israel Beitenou passe du rang d'"allié numéro un" à celui d'"allié numéro 2" du Likoud. Et risque de se retrouver dans l'ombre de Kadima qui se fera le porte-parole des laïcs dans les débats à venir sur le remplacement de la Loi Tal (le texte qui exempte les ultra-orthodoxes et qui a été invalidé par la Cour Suprême).

Shelly Yachimovich : promue "chef de l'opposition"

Ancienne journaliste, Shelly Yachimovich a conquis un Parti Travailliste en bien mauvais état : l'élection de 2009 s'est soldée par un score historiquement bas pour la formation qui a dominé la vie publique israélienne pendant plusieurs décennies. Et la scission provoquée par le départ d'Ehud Barak en 2011 lui a encore coûté des troupes. Mais le parti de gauche espère que son séjour dans l'opposition lui permettra de se reconstruire. Shelly Yachimovich n'a-t-elle pas toujours défendu les revendications sociales exprimées lors du mouvement des "indignés" israéliens de l'été 2011? La dirigeante du Parti Travailliste a fustigé le ralliement de Kadima à la coalition, qui la prive d'un retour devant les électeurs. Mais le tremblement de terre politique de ces derniers jours a une autre conséquence : Shelly Yachimovich est désormais "Chef de l'opposition" en Israël, un statut officiel, défini par les Lois fondamentales du pays. Conséquence concrète? Si le Premier Ministre Netanyahou décidait d'attaquer l'Iran, il devrait préalablement en informer Shelly Yachimovich...

 

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