Ce que (ne) cache (pas) le triomphe de Mohammad Assaf

Il a fait chavirer les Palestiniens à chacune de ses prestations dans l'émission Arab Idol. Puis au bout de la compétition, la victoire de Mohammad Assaf a été acclamée par des scènes de joie à Gaza comme en Cisjordanie.

Mais il y a plusieurs façon d'interpréter le triomphe du chanteur, de 23 ans habitant du camp de réfugiés palestiniens de Khan Younes, dans la Bande de Gaza.

La première consiste à déceler dans cette victoire, artistique et nationale, un symbole d'unité et de fierté pour les Palestiniens. La seconde - plus pessimiste - est de poser la question suivante : quel vide la figure angélique de Mohammad Assaf comble-t-elle, le temps de quelques chansons et d'une nuit de liesse dans les Territoires Palestiniens?

Le triomphe de la jeune star, propulsée "symbole d'unité nationale" rappelle crûment que les Palestiniens sont divisés politiquement depuis 2007 (Hamas vs. Fatah) et géographiquement (Gaza et Cisjordanie). Et aujourd'hui rien ne laisse envisager que la "réconciliation" mainte fois annoncée finisse par devenir réalité.

C'est le vote par SMS des télespectateurs du monde arabe qui a fait de Mohammad Assaf un roi. Alors que le vote, le vrai, celui des urnes, les Palestiniens en demeurent privés : la dernière présidentielle date de 2005 et les dernières législatives de 2006. Aucune des deux grandes factions palestiniennes ne semble très motivée à l'idée de retourner devant les électeurs.

Le visage imberbe de Mohammad Assaf, décliné en d'innombrables affiches géantes dans les villes palestiniennes ces derniers mois révèle aussi une autre absence : celle d'un chef dans lequel se reconnaîtraient la majorité des Palestiniens. Car à 78 ans, le Président Mahmoud Abbas règne sur une Autorité Palestinienne affaiblie et largement discréditée au sein de la population. Dans le camp d'en face, le chef du Hamas Khaled Mechaal est certes sorti renforcé de la dernière confrontation entre les groupes armés de Gaza et Israël, en novembre 2012 mais certainement pas au point de faire de lui un nouveau Yasser Arafat, à la fois visage et leader de tout un peuple. 

Les cris de joie, les larmes de bonheur et les concerts de klaxons qui, de Jénine à Rafah, ont accompagné la victoire télévisée du jeune chanteur palestinien ne peuvent en rien faire oublier la crise politique de l'Autorité Palestinienne, dont le nouveau Premier Ministre Rami Hamdallah est démissionnaire, moins d'un mois après avoir succédé à Salam Fayyad. Le bonheur et la fierté que chaque Palestinien peut légitimement ressentir n'effacent pas non plus la crise financière de l'Autorité de Ramallah, cette ex-élève modèle du FMI et de la Banque Mondiale dont les comptes plongent aujourd'hui dans le rouge écarlate.

Charisme incontestable, voix d'or, sourire irrésistible... Mohammad Assaf mérite les applaudissements de ses compatriotes. Mais une fois les projecteurs d'Arab Idol éteints, la réalité palestinienne n'a pas bougé d'un millimètre : en octobre prochain le monde soufflera tristement la vingtième bougie des Accords d'Oslo qui lancèrent le "Processus de Paix" devenu "Processus sans Paix" avant que la notion de processus elle-même ne finisse par disparaitre aussi, puisque les deux parties ne négocient plus depuis septembre 2010.

Alors que depuis deux ans, les foules arabes sont descendues dans les rues - pacifiquement ou en armes - pour reprendre leurs destins en main, aujourd'hui c'est une émission de variété qui mobilise et unifie la Palestine. Un symptôme de plus de la crise profonde que traverse le mouvement national palestinien, qui pour l'instant n'a pas su prendre le train de la transformation historique que connaît la région.

1 Comments

Salut,

Vous passez a coté de l'essentiel, c'est un vrai artiste. Il faut avoir l'oreille des chansons arabe pour apprécier son talent. Le reste, personnellement je n'ai pas envie de controverser ni de savoir ce que cache la nomination d'ambassadeur,....l'Iceberg, quoi. En plus, il a grandit dans un camps de réfugié (pas au 17ème!), ça doit faire une consécration pour ce jeune cette victoire, non?

Croyez moi, il en a sous les pieds.

Cordialement

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